Lu dans la presse

Posté par admin le Mardi 07-05-2013

Akli Moussouni. Ingénieur agronome et expert en développement


"Le produit du terroir peut constituer l’ossature du développement durable"

Le développement de l’agriculture passe inévitablement par la valorisation des produits du terroir. Si d’autres pays se sont rendus à cette évidence depuis plusieurs années, l’Algérie traîne encore la patte.

En dépit des potentialités agricoles existantes et des sommes colossales injectées pour booster le secteur, le produit dit du terroir est relégué au second plan. «Ça fait à peu près 25 ans que dans le monde on s’est rendu compte que la valorisation des produits du terroir est la seule solution pour affronter les effets de la mondialisation», souligne Akli Moussouni, ingénieur agronome et expert en développement, lors d’une journée d’étude sur le développement de la production d’huile d’olive, organisée jeudi dernier par la Chambre d’artisanat et d’industrie de Bouira. "Nos produits ont des goûts spécifiques, succulents liés au climat. Le contexte naturel est un atout dont on ne profite pas. Quand tu consommes des légumes et des fruits qui sont produits localement et qui sont disponibles sur le marché, cela fait vivre les agriculteurs locaux qui les produisent. De plus, le produit est compétitif. Il ne coûte pas cher et il est sain ", ajoute le conférencier qui croit fermement que "le produit du terroir peut constituer l’ossature du développement durable".

En revanche, pour développer et promouvoir le produit du terroir, l’expert en développement ne voit le salut du secteur que dans l’organisation des professionnels. Autrement dit, la création de richesses ne peut pas se faire sans s’organiser en clusters qui sont une concentration d’entreprises indépendantes sur un espace géographique limité, engagées dans une synergie autour de projets communs. "Pour avancer dans tous ces secteurs, on ne peut pas le faire sans organisation, sans esprit de filière, sans implication des pouvoirs publics, des opérateurs, de l’élite économique.

C’est une organisation qui doit englober toutes les énergies. C’est à partir de cette organisation qu’on peut dégager une vision, une visibilité et qu’on peut dégager une feuille de route», affirme M. Moussouni. Par ailleurs, plusieurs produits et sous-produits sont susceptibles de dynamiser le développement de plusieurs régions du pays et ils ne sont toujours pas exploités, notamment les huiles essentielles et les produits des sous-bois comme les champignons. Mais qu’est-ce qui a fait que la situation demeure toujours figée en Algérie quant à la relance du secteur agricole, d’autant plus que la sécurité alimentaire est de plus en plus menacée ?
D’après M. Moussouni, cela est dû principalement au manque de vision et à l’improvisation des pouvoirs publics en ce qui concerne la mise en place d’une politique agricole pour le pays. "Le financement public est nécessaire. Mais le problème qui se pose c’est lorsque ce financement parvient sans étude, sans stratégie, sans vision économique, sans un mécanisme d’évaluation, sans analyse ni calcul des retombées. Ça devient un financement qui n’entretient que le sous-développement socio-économique, d’autant plus que cette manière d’agir a montré ses limites ; le fait que l’agriculture n’assume aucunement la sécurité alimentaire du pays dans pratiquement aucune filière à l’exception de quelques produits maraîchers", soutient-il. Le meilleur exemple qui traduit à juste titre les ratages de la politique agricole, c’est le Plan national de développement agricole (PNDA) lancé en 2001 dans le but de permettre aux Algériens de consommer le produit de leur terre. Avant le lancement du programme PNDA en 2001, assure l’ingénieur agronome, l’Algérie importait pour l’équivalent de 2,5 milliards de dollars de produits alimentaires. Pis encore ! Dix années plus tard et après avoir investi une enveloppe avoisinant les 13 milliards de dollars, ajoute la même source, l’Algérie importe pour 8 milliards de dollars et prochainement ça pourrait augmenter. "Le résultat est là. Il y a échec. Et il faut absolument arrêter cette manière d’agir. Il faut voir la chose en face. Ne pas spéculer sur des statistiques. Ne pas politiser l’agriculture", a-t-il conclu.

"Le prix du litre d’huile d’olive ne doit pas dépasser 200DA" :

"L’olivier n’a jamais été entretenu de sorte à ce qu’il produise chaque année". C’est ce qu’a déclaré Akli Moussouni, ingénieur agronome et expert en développement, lors de la journée d’étude sur le développement de la production d’huile d’olive, organisée jeudi dernier par la Chambre d’artisanat et d’industrie de Bouira. Dans une communication intitulée "Produits du terroir et mécanismes de développement local, cas de l’olivier", l’expert en agriculture a énuméré plusieurs contraintes qui ont fait que la filière oléicole dans la wilaya de Bouira, mais aussi dans d’autres régions du pays, ne soit pas exploitée de manière efficace.

Ainsi, M. Moussouni a évoqué le relief le plus souvent accidenté "laissant peu d’alternatives à l’imagination», le manque de professionnalisme des agriculteurs, qui opèrent avec des méthodes inappropriées, voire traditionnelles. Il faut ajouter à cela l’absence de technicité qui renforce les phénomènes d’alternance et la faiblesse des rendements, etc. "Les gens ne prennent pas en considération l’entretien de l’olivier. La taille qui se pratique de nos jours n’est pas une taille de production", explique M. Moussouni, qui tient à assurer qu’il ne peut y avoir de développement de l’oléiculture sans l’organisation d’un marché et on ne peut pas construire un marché sans avoir un produit de qualité.

Un dilemme. "Notre marché ne s’applique pas aux normes internationales en termes de commercialisation de l’huile d’olive. Désormais l’huile d’olive qui a un excès d’acidité ne se vendra pas sur le marché. Ce que les gens doivent savoir, c’est qu’avec l’ouverture des hypermarchés, mondialisation oblige, des huiles d’autres pays étrangers se vendraient chez nous moins cher que l’huile locale", a-t-il mis en garde les oléiculteurs. Pour que l’huile d’olive, qui est considérée comme un produit du terroir par excellence, se vende moins cher sur le marché local, le spécialiste dit qu’il faut exploiter les sous-produits qui en résultent, comme la margine et la pulpe, en énergie pour la première et en matière organique pour la seconde. " Actuellement l’huile se vend à raison de 500 DA le litre, alors qu’elle ne devrait pas dépasser les 200 DA ", estime-t-il.

A.Cherarak